COP 27 : cinq enjeux clés des négociations des prochains jours pour les entreprises
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8 novembre 2022
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Organisée cette année à Sharm El-Sheikh, en Égypte, la COP27 marque une nouvelle étape décisive de la transition de l’économie mondiale vers un modèle plus durable et plus juste. Jusqu’au 18 novembre prochain, de nombreux chefs d'État, grands patrons, décideurs publiques, régulateurs, ONG ainsi qu’un large éventail de parties prenantes représentant presque tous les pays du monde se réuniront pour discuter des progrès accomplis et s’entendre sur des projets d’avenir.
Autrefois dominée par des décideurs politiques et une poignée d'ONG, la « conférence annuelle des parties » (COP) est devenue ces dernières années une plateforme incontournable pour les entreprises internationales. Elles s’y réunissent pour trouver ensemble des solutions à l’enjeu crucial du changement climatique, mais également partager pendant ce moment médiatique fort leurs ambitions et engagements propres. Car depuis la COP21 qui s’est tenue à Paris en 2015, les grands groupes internationaux ont progressivement pris conscience du rôle crucial qu’ils jouent dans cette transition vers un modèle plus durable. En 2021, à l’occasion de la COP26 à Glasgow (Royaume-Uni), ceux-ci ont annoncé plusieurs initiatives majeures, dont la très médiatisée « Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) », une coalition mondiale d'institutions financières s'engageant à accélérer la décarbonation de l'économie internationale.
Cette année cependant, le contexte est différent. L'inflation rampante générée par la flambée des prix de l'énergie, elle-même alimentée par la guerre en Ukraine, ont complexifié les opérations de la plupart des entreprises, en particulier celles ayant une forte présence en Europe. Si les entreprises ont consciences d’être le réacteur de la transition écologique, celles-ci doivent trouver le juste milieu entre la définition d’objectifs ESG ambitieux mais réalisables face aux challenges posés par le contexte géopolitique international, sans décevoir les fortes attentes de leurs parties prenantes (investisseurs, consommateurs, pouvoirs publics, etc.)
Dans ce contexte particulier, cinq discussions clés devraient animer les débats entre grands dirigeants lors de la COP27.
1. Passer de promesses à des résultats concrets
Si la COP26 a marqué un tournant avec ses Contributions déterminées au niveau national obligeant chaque pays à établir et soumettre tous les cinq ans des plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’ensemble des participants de Sharm El-Sheikh espèrent que cette nouvelle rencontre sera enfin la « COP de l’action ». Si de nouveaux engagements seront très certainement annoncés par les entreprises à cette occasion, les débats devraient avant tout porter sur la partie la plus difficile de la transition climatique : la mise en œuvre de ces objectifs.
Car les dirigeants, et en particulier ceux du G20, le savent : tous les regards sont tournés vers la mise en œuvre de leurs engagements ESG.1 Les entreprises doivent aujourd’hui communiquer de manière large et précise sur les preuves du suivi de leurs engagements ainsi que sur les nouvelles allocations de capitaux permettant d’atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés.
L'échelle des modifications mises en œuvre sera aussi un élément important des débats. Des succès sur des projets sporadiques et de petite taille, bien qu’étant les bienvenus, ne feront pas bouger les choses de manière structurelle. Toute l’attention des parties prenantes, en particulier du grand public, des pouvoirs-publics et des investisseurs, sera donc centrée sur les preuves d’une transition à grande échelle, en particulier si ces modèles sont faciles à reproduire et pouvant être mis en œuvre rapidement.
2. Augmenter la portée du financement durable
Malgré les ambitions que se sont fixées de nombreux acteurs du monde du financement tels que la GFANZ, les entreprises internationales attendent toujours le développement d’un secteur de la finance durable plus puissant, pouvant jouer un rôle de premier plan pour combler le déficit de financement de la transition énergétique et écologique. Les capitaux privés sont nécessaires pour investir dans les innovations et pour garantir l’accès aux technologies nécessaires à la réalisation des engagements des CDN. A noter, ces dernières années, les capitaux mixtes comprenant un mélange de subventions et de prêts, provenant généralement d'une combinaison de sources privées et publiques, sont considérés aujourd’hui comme un mécanisme qui fonctionne.
La présence aux débats (ou non) des dirigeants des plus grandes institutions financières mondiales, garantes des dettes et capitaux mondiaux, sera révélatrice de l’importance qu’ils accordent aux efforts à fournir et donnera une idée de la mesure dans laquelle ces parties prenantes cruciales sont prêtes à soutenir la transition des entreprises en dépit des turbulences sur les marchés mondiaux.
3. Mener simultanément les programmes d’adaptation et d’atténuation
Les discussions sur le financement de la transition sont d'autant plus importantes que des progrès limités ont été réalisés lors de la COP26 sur la question des « pertes et dommages », dans le cadre de laquelle les pays les plus riches dédommageraient les pays en développement pour les coûts qu'ils ont déjà subis en raison du changement climatique, et financeraient de nouveaux efforts d'adaptation.
Les récentes inondations au Pakistan en sont un parfait exemple. Les émissions du Pakistan ne représentent que 0,3 % des émissions mondiales cumulées et pourtant, plus tôt cette année, des conditions météorologiques extrêmes liées au changement climatique ont provoqué des inondations ensevelissant plus d'un tiers du pays et causant des dommages extrêmes.
Dans ce contexte, les débats qui auront lieu lors de la COP27 devraient porter en majeure partie sur les stratégies d'adaptation des pays touchés. Bien que l'idéal serait que les gouvernements et les entreprises mènent simultanément des stratégies d'adaptation au changement climatique et d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, l’urgence engendrée par les derniers événements météorologiques engendre un risque de détournement des ressources dédiées à l'atténuation.
4. Donner plus de visibilité à l'Afrique et au Moyen-Orient
La COP27 est la première à être accueillie par une nation africaine depuis que le Maroc a accueilli la COP22 à Marrakech en 2016. En outre, la 28ème COP sera accueillie par les Émirats arabes unis (EAU) à Dubaï en novembre 2023.
Bien qu'en théorie, le lieu d'une COP ne devrait pas avoir d'impact matériel sur ses résultats, la responsabilité de l'accueil étant assumée à tour de rôle par les pays membres dans différentes régions du monde, le signal que cela envoie est néanmoins important.
L’organisation de deux COP consécutives en Afrique et au Moyen-Orient, pays les plus touchés par le changement climatique, devrait leur octroyer une voix plus forte et un espace de dialogue suffisant pour être écoutés et aidés. Les résultats dépendront évidemment de la présence d'un nombre suffisant de dirigeants mondiaux pour les entendre.
5. Préparer le terrain pour la COP15 sur la biodiversité
Enfin, de nombreuses discussions devraient émerger sur le lien entre décarbonisation et biodiversité. La COP27 précède la discussion mondiale la plus importante à ce jour sur la biodiversité, la COP15, qui aura lieu à Montréal, au Canada, au mois de décembre. La biodiversité devrait vraisemblablement être un thème au centre des discussions, puisqu’il existe un lien inextricable entre la protection de la biodiversité et la réalisation des objectifs de minimisation de la température mondiale émis par le GIEC.
Le système alimentaire mondial dépend fortement des efforts qui seront fournis en la matière. Les récentes conditions climatiques extrêmes et la guerre en Ukraine ont exacerbé et exposé les fragilités existantes dans les systèmes alimentaires mondiaux, la sécurité alimentaire et la durabilité de nos industries agro-alimentaires seront probablement des thèmes centraux et récurrents. Les systèmes alimentaires sont d’ailleurs régulièrement à l’origine de débats sur l'équité des outils de distribution, 800 millions de personnes ayant été touchées par la faim en 2021 et près de 3,1 milliards de personnes n'ayant pas les moyens d'avoir une alimentation saine en 2020.
Notes de fin:
1: Les entreprises du G20 manquent de compétences pour atteindre leurs objectifs ESG, Baromètre de la Résilience ® FTI Consulting, 2022
Date
8 novembre 2022
Contacts
Senior Managing Director, Head of Brussels Energy & Industrials
Senior Managing Director, Head of France Strategic Communication