COP27 : quels enseignements tirer de cette édition placée sous le signe de l’urgence climatique ?
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28 novembre 2022
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Malgré de belles avancées, la COP27 n'a pas apporté le lot de progrès que l’ensemble des parties-prenantes aux débats espéraient. 3 éléments clés sont à retenir des deux semaines de débats de Sharm El-Sheikh :
Des progrès significatifs sur les « pertes et préjudices »
Contre toute attente, la COP27 a bel et bien donné lieu à de nets progrès sur le sujet des « pertes et préjudices ». Le lancement d’un fonds dédié a été décidé durant les toutes dernières heures du sommet. Il s’agit ici d’un accord historique permettant de créer une aide spéciale pour les nations les plus vulnérables, subissant en première ligne les changements climatiques. Presque 200 pays se sont engagés à mettre en place cette nouvelle structure d'ici la prochaine édition de ce sommet annuel, qui se tiendra aux Émirats Arabes Unis (EAU), en novembre 2023. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qualifie cet avancement « d’accord décisif pour financer les "pertes et préjudices" des pays vulnérables durement touchés par les catastrophes climatiques ».1
De nombreuses questions autour des mécanismes de fonctionnement du fonds restent en suspens, dont en particulier celle du financement : quel montant sera versé et par quels pays ? A noter, un élément non-négligeable des discussions autour de cette structure a été le plaidoyer des représentants de l'UE pour que les pays en voie de développement déjà bien plus aisés, tels que la Chine, ne soient pas bénéficiaires de ce fonds uniquement destiné aux plus fragiles.
Pour répondre à ces questions, les gouvernements se sont accordés sur la création d’un « comité de transition » qui sera chargé de formuler des recommandations sur la manière de rendre opérationnel ce nouvel outil de financement. La première réunion dudit comité devrait avoir lieu avant la fin mars 2023.
Des négociations qui patinent sur le volet de la décarbonation
Les décisions prises en matière de décarbonation ont été décevantes pour les états souhaitant mettre en place un mécanisme de réduction progressive de l’usage de tous les combustibles fossiles et pas seulement du charbon. Le pacte conclu lors de la COP26 à Glasgow, qui appelait les pays à « accélérer les efforts en vue de l’abandon progressif de l’électricité produite à partir du charbon et la suppression progressive des subventions inefficaces en faveur des combustibles fossiles » a été maintenu tel quel malgré une initiative de l'Inde soutenue par plus de 80 pays, dont l'UE et les États-Unis.
Or cette formulation omet sciemment deux combustibles fossiles majeurs, le pétrole et le gaz. Les remarques du président de la COP26, Alok Sharma, à l’occasion de la dernière séance plénière de la COP27 ont d’ailleurs soulevé cette problématique majeure : « Les mesures pour s’engager à un pic des émissions en 2025 comme la science nous le recommande : pas dans ce texte. Le suivi clair de la réduction progressive du charbon : pas dans ce texte. L'engagement net à éliminer progressivement tous les combustibles fossiles : pas dans ce texte (…) ».2
L'absence de progrès en matière de décarbonation a un impact direct sur le niveau de réchauffement climatique auquel tout le monde doit s'attendre. Selon un récent rapport de la CCNUCC, les engagements actuels des gouvernements mettent la planète sur la voie d'un réchauffement de 2,5 degrés. Au cours des négociations de la COP27, de nombreux rapports présentés par des ministres de premier plan, dont celui partagé par Frans Timmermans, Vice-président de la Commission européenne, ont indiqué que certains pays tenteraient de se défaire de l'objectif de 1,5 degrés et de se débarrasser de l’obligation établie à Glasgow de remettre annuellement leurs contributions déterminées au niveau national (CND).
En l'absence de progrès relatifs aux efforts de décarbonation, dans le contexte mondial actuel ou les prix de l'énergie flambent et l'instabilité géopolitique règne, certains ont déclaré qu’il semblerait que nous soyons passés de l’enthousiaste mantra de la COP26 « 1,5 degrés coûte que coûte » à l’aphorisme austère de « chaque fraction de degré compte ».
Une coordination du sommet à revoir en amont de la COP28
Alors que notre attention se tourne dès à présent vers la COP28, 24 heures après la conclusion de la COP27, des rapports faisaient déjà état d'un souhait de « remaniement » de la coordination du sommet annuel, après que de nombreuses délégations ont exprimé leurs préoccupations quant à la gestion des négociations de la COP de cette année. Simon Stiell, Responsable de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, a d’ailleurs déclaré qu'il avait bien l'intention de revoir le processus de la COP pour le rendre le plus efficace possible.
Il est intéressant de noter que les Émirats Arabes Unis ont dépêché pour cette COP27 plus d’un millier de délégués, constituant de très loin la plus grande délégation jamais présente pour une COP - plus grande que celle enregistrée lors de l’édition brésilienne. Cette venue en masse est sans aucun doute un signe révélateur de l’engagement du pays pour la COP28 dont il sera l’hôte.
Le fonds « pertes et préjudices » constituant une avancée majeure, les Émirats Arabes Unis auront pour challenge de trouver un moyen de maintenir cette trajectoire positive tout en faisant progresser les discussions de la COP28 au sujet de l’abandon graduel de l’utilisation du pétrole, un sujet encore loin d’être accepté par tous.
Date
28 novembre 2022
Contacts
Senior Managing Director, Head of Brussels Energy & Industrials
Senior Managing Director, Head of France Strategic Communication